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LIVRE XIX.

jours ; et pas un changement notable n’arrivait. Jacques, faisant la veillée, chassait les fourmis à mesure qu’elles s’égaraient sur le front d’Arthus. Il ne laissait pas même approcher les cigales. Pour abréger les heures, il chantait, à demi-voix, un refrain du village ; mais il y renonça bientôt, parce qu’Arthus avait poussé un soupir. Assis au coin d’un feu de broussailles, les yeux attachés sur la braise, il polissait et repolissait l’épée du dormeur ; et chaque jour elle grandissait. Déjà elle touchait du pommeau à la Scandinavie, de la pointe aux Colonnes d’Hercule.

Quand il arrivait qu’Arthus se réveillait, pour l’ordinaire, il se mettait sur son séant, et il demandait à boire. Aussitôt, Jacques Bonhomme en avertissait Merlin, qui se pressait d’accourir ; il écoutait attentivement le récit que lui faisait Arthus de ses songes, et il les interprétait sur-le-champ, presque toujours dans le sens le meilleur. Étaient-ils de bon augure, le monde en était instruit sans retard. Au contraire, annonçaient-ils de mauvais jours, pestes, famines, disettes, tyrannies, esclavages, Merlin, pour n’affliger personne, en gardait le secret pour lui seul, autant qu’il le pouvait. Dans l’un et l’autre cas, le roi, apaisé par la sagesse de l’enchanteur, laissait de nouveau retomber sa tête pesante sur la paume de sa main ; il se rendormait du long sommeil.

Près de lui, sous les poternes, sept dormants, plus grands que tous les autres, s’étaient assoupis dans leurs armures de fer et semblaient des géants ; on dit