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MERLIN L’ENCHANTEUR.

que plusieurs d’entre eux étaient des femmes cachées sous des cuirasses d’hommes.

Le premier s’appelait Francus, le second Polonius, le troisième Albion, surnommé Britannia, le quatrième Lara de Castille, le cinquième Ottavien le Lombard, le sixième Barbe-Rousse le Teuton, que d’autres connaissaient sous le nom de Teutonia, le septième, Pandème, né en Esclavonie. Comme bons compagnons qui n’ont rien à craindre l’un de l’autre, ils étendirent leurs membres sur l’herbe drue, les paupières fermées et pesantes, sans soupçons, sans même de gardes, tous cousus dans leurs cuirasses, vêtus de haubergeons, coiffés de chapeaux de fer. Mais leur épée était à leur côté ; c’était leur épousée. Eux dormant, elle veillait à leur place. Cependant leurs chiens démuselés, bons lévriers, s’endormirent aussi à leurs pieds, avec force oiseaux de leurres et de poing.

Sur leurs têtes, la nuit semait les étoiles. La lune blafarde sortit des nues pour regarder ces grands corps assoupis, et elle les prit pour des frères d’Endymion ou pour les sept conducteurs du char de David. Maints papillons nocturnes se jouaient dans leurs chevelures ; maints oiseaux de nuit, hiboux, chats-huants, orfraies, s’abritaient dans leurs seins ou dans leurs casques débridés. Puis le jour les couvrit de son manteau d’incarnat, et les soleils éblouissants furent pour eux ce qu’étaient les ténèbres.

Bientôt, rien ne sembla si beau que de dormir du sommeil sacré du roi ; tout le monde eût voulu l’imi-