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LIVRE XX.

un honnête enchanteur aussi scrupuleux que le nôtre.

Dans cette angoisse, il alla susciter plusieurs peuples nouveaux, race de fer, et il leur commanda de se lever avec un grand fracas ; ce qu’ils firent très-volontiers ; car ils aiment tous le bruit qu’ils prennent aisément pour la gloire. Aussi, arrivèrent-ils munis d’instruments les plus sonores qu’ils pussent trouver ; et ils frappaient sur le fer, sur l’airain, comme les villageois qui rappellent un essaim d’abeilles envolé de la ruche. Maintes fois ils défilèrent, avec les barons, devant la couche du roi Arthus ; ils se livrèrent même entre eux divers combats homicides, où ils comblèrent les ravins de leurs morts, ayant de plus la précaution de pousser des cris furieux qui montaient jusqu’au ciel, de piétiner la boue sanglante et de frapper et marteler les vaincus d’un fléau d’airain.

« Pourquoi faites-vous tant de bruit ? leur demandaient les mères et les vierges.

— Pour réveiller le noble Arthus, » répondaient aussitôt les peuples d’une voix haletante.

Mais cela même fut inutile. Le sommeil du dormeur ne fut pas interrompu par le tumulte de tant de nations aux prises, qui croyaient que le bruit de leur chute arrivait jusqu’aux étoiles. Une seule fois, pendant l’écroulement d’un empire, de deux royaumes et de six grands duchés, il dit à voix basse à Jacques, qui se baissait sur ses lèvres pour l’entendre :

« Fais taire ces pies bavardes, j’en suis incommodé. »

Puis il se rendormit encore.