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LIVRE XX.

paravant les noms des anges, archanges, bref, de tous les esprits d’en haut ; on n’avait laissé subsister que le nom des esprits inférieurs du dernier rang. Les miracles aussi avaient été supprimés ou, du moins, raturés au moyen d’une encre rouge, corrosive, qui avait brûlé, jauni, corrodé le papier.

« Je ne connais, dit-il, que Farfarel ou mon père qui aient pu avoir l’audace de commettre ce genre de sortilége.

— Si vous connaissez ce Farfarel, reprit Ogrin, punissez-le ; mais d’abord, ô Merlin ! rendez-moi les lignes sacrées sans lesquelles le plus saint des livres a perdu sa vertu.

— Volontiers, maître Ogrin ; je le sais par cœur. »

À ces mots, il prit une plume pour rétablir dans le texte toutes les paroles qui en avaient été traîtreusement enlevées ; mais, ô stupeur ! ces saints noms, il les avait oubliés, ou du moins il ne les savait plus qu’inexactement. Où il y avait Jehovah, il mettait la Nature ; ce qu’il fit, moins par conviction que par crainte de laisser paraître l’ignorance où il était tombé ; et, par là, il s’aperçut clairement que le don des enchantements était presque perdu pour lui. Plût à Dieu que ce qui lui en restait eût disparu sans laisser de vestiges !

Quant à l’ermite, il reçut avec reconnaissance son livre corrigé. Lorsqu’il s’aperçut des changements, il était de retour dans le fond de ses solitudes. Peu à peu il se familiarisa avec les leçons nouvelles ; on dit même qu’il ne jurait plus que par Merlin.