Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur tome 2, 1860.djvu/242

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
238
MERLIN L’ENCHANTEUR.

III

À peine maître Ogrin avait pris congé de notre enchanteur, un autre désespéré se présenta devant lui. Dans ce nouveau venu, il eut d’abord quelque peine à reconnaître le poëte Fantasus, auquel il avait donné autrefois de bons conseils. Combien, en effet, Fantasus était changé ! La tête belle encore, et même plus noble, plus expressive, mais sillonnée de profondes rides, excepté le front resté inaltérablement pur, immaculé, comme un blanc rocher de marbre sacré que la foudre n’a pas osé frapper, et qui s’élève encore sur des débris. Ce n’était plus d’ailleurs cet orgueilleux qui daignait à peine fouler la terre et marcher sur les nues. C’était un vieillard tremblant, défaillant à chaque pas. Il n’était pas aveugle, mais il boitait sur deux béquilles branlantes, n’ayant pas même autour de lui un enfant pour lui servir de guide et de soutien.

« Que vois-je ? dit Merlin. Est-ce bien toi, Fantasus ?

— Non, répondit celui-ci, ô maître ! c’est l’ombre de Fantasus ; et les maux que vous voyez ne sont rien en comparaison de ceux que je voudrais cacher. Le souffle s’en va, l’inspiration me manque, ô prophète ! je la cherche et ne la trouve plus. Voilà le plus grand des