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MERLIN L’ENCHANTEUR.

— Et maintenant que sens-tu sous ce front qui brûle encore ?

— Une chose extraordinaire. Les cathédrales ne me parlent plus, comme elles avaient coutume de faire, ni les vieilles armures quand elles s’entre-choquent contre les arceaux gothiques, ni les donjons aux toits aigus, ni les tourelles vêtues de lierres. Autrefois, ces puissances m’interrogeaient de leur voix colossale, je leur répondais et tout coulait de source. Aujourd’hui, tout est mort. Plus un écho complaisant ni dans les choses ni dans les hommes. Où sont, ô maître ! les êtres enchantés qui hantaient mon esprit ? Où sont les symphonies ailées, vagabondes, triomphantes qui résonnaient, sous mes pas, au fond des bois solitaires ? J’avais sur le chantier plus de cent ballades, autant de sonnets et de mystères, sans parler d’un poëme sur la table ronde, qui devait immortaliser la société que vous avez formée de vos mains. Je ne puis plus tirer de ce cerveau même une paillette d’or, comme ils font tous si aisément ; et ce qui met le comble à ma misère, je n’ai pas encore osé le dire.

— Tu me fais trembler, Fantasus. Quelle est donc cette dernière infortune de Job ? Parle, je t’écoute.

— C’est à vous seul au moins que je confie cette plaie incurable.

— Voyons, parle.

— Eh bien, maître, le démon des beaux vers m’a quitté. Il s’est enfui de ma maison ; hélas ! y reviendra-t-il jamais ?