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MERLIN L’ENCHANTEUR.

sommes amusés tous deux à déployer la jeune feuille de chêne, pliée et verdissante sous la dure écorce de l’hiver ! C’est ainsi que les choses futures m’apparaissaient, jeunes, florissantes, sous la face rigide du présent.

« Aujourd’hui, mes yeux cherchent en vain à percer le linceul qui me tient renfermé dans la vallée d’angoisse. Les choses futures m’échappent. Car le cœur des hommes et le tien, où je puisais mes présages, se sont couverts d’une enveloppe si dure qu’il m’est impossible de rien discerner à travers ce lourd manteau de plomb ; et je ne puis dire si les hommes remonteront bientôt vers la lumière limpide, ou s’ils continueront de tomber, d’une chute de plus en plus rapide, dans l’inexorable Adès.

« Quand l’avenir se voile ainsi aux yeux des prophètes, il est temps pour eux de mourir ; la mort seule peut leur rendre la clairvoyance qui lit dans les ténèbres.

« Vienne donc la nuit suprême ! Je verrai luire aux clartés du sépulcre les vérités étoilées qui me fuient maintenant dans la splendeur flétrie du jour terrestre.

« Vienne l’heure propice du tombeau ! dans les méandres de la voie lactée, je goûterai à loisir le lait de l’insondable sagesse. »