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LIVRE XX.

VI

Telle était la détresse de Merlin. Voyant toutes choses s’effacer, combien alors il eût souhaité d’être mystique ! Il l’essaya de bonne foi ; adorant ses souffrances, divinisant ses larmes, il chercha Viviane jusque dans la tour d’ivoire de la vierge de Judée. Combien de fois aussi il essaya d’escalader les mondes des songes sur l’échelle de Jacob ! Mais, à peine y avait-il mis le pied, sa raison ne pouvait extirper sa raison. Il retombait pesamment sur la terre, entraîné par son bon sens ; et, dans cet effort pour étreindre les blanches visions, sa détresse ne fit qu’augmenter.

Véritablement, elle fut portée au comble par l’arrivée de Turpin[II.]. La figure seule du futur archevêque, pâle et défaite, en disait plus que toutes les paroles. La barbe mêlée, les yeux hagards, vêtu d’un reste de manteau, il était à pied et sans aucun cortége.

« Venez-vous aussi, Turpin, briser ce misérable cœur, lui dit le prophète, en l’accueillant avec son ancienne bonté ? Avez-vous trouvé celle que je cherche ?

— Non, prophète. »

Merlin l’entend ; il pâlit et répond :

« Dieu lui fasse merci !… Que devient le pays doré