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LIVRE XX.

Turpin venait d’assister au détrônement des fées, puis à leurs funérailles ; il en était encore tout ému, principalement de celles de Titania. Aussi les raconta-t-il dans le plus menu détail. Couchée dans une bière (le nacre incrustée de clous d’or, il avait vu les propres valets de Merlin, Serpentin, Brin-d’Avoine, Langue-d’Or, Œil-d’Aspic, porter le corps de Titania sur leurs épaules, à travers les cépées fleuries. On l’avait ensevelie sous la pierre sacrée, au milieu de la crau. Quelle affluence, bon Dieu, de nains, de gnomes, surtout de génies ! Quels murmures plaintifs d’éphémères sous l’épaisse ramée ! Il en était tout étourdi. Les pleureuses marchaient les premières, après elles, les princes des fées, Octavien, Zerbino, le roi d’Yvetot, tous en manteaux de deuil, tous pleurant de chaudes larmes.

Merlin eût bien voulu demander si l’on avait quelques nouvelles d’Isaline, de Nella, de Marina ; il s’en abstint, prévoyant en tout le pire.

« Mais les esprits des ruines, s’écria-t-il, après un long silence ? Ceux-là, du moins, me restent encore : ils ont eux, la vie, longue.

— Non, Merlin. Ils ont été des premiers à mourir. J’ai vu de mes yeux s’éteindre la race du dernier des faunes.

— Comment cela ?

— Je rasais dans votre vaisseau de cristal, pour vous chercher, l’île Pantéllaria, dernière frontière du royaume d’Épistrophius. Une femme échevelée, vêtue de peaux de bêtes, courant sur la grève, nous fait des signes de