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LIVRE XX.

d’albâtre l’hydromel des hymnes de Harold, dont s’abreuve le sage. Que l’Anglais et le Saxon sillonnent donc la mer en liberté et que leur île soit de miel, je le veux bien. Mais qu’ils n’oublient plus d’emmener avec eux, à la proue, la justice, et de la faire asseoir sur les rivages inconnus, des Hébrides à Coromandel. Moi-même à ce prix, je serai leur pilote. Va ! dis-le-leur !

VII

La douleur est quelquefois si muette, au fond de l’âme, qu’on ne la sent pas à la surface. Elle fait son œuvre, le jour, la nuit, au moment où l’on y songe le moins. Tel fut l’effet de la nouvelle de la mort des génies. Merlin avait cru d’abord l’accepter de sang-froid ; mais elle perçait son cœur sourdement comme une vrille, et il ne cessait de répéter : « Titania ! Obéron ! Robin Hood ! les êtres les meilleurs peut-être que j’aie connus dans ma jeunesse ! C’est moi qui les soutenais de mon souffle ; ils périssent avec moi  ! »

Turpin l’entendant gémir, s’approcha de son lit de feuilles :

« Reprenez courage, Merlin, lui dit-il. Si vous vous laissez mourir, Turpin ne vous survivra pas une heure. Quoi ! tant d’empires magiques fondés par vous sur le roc immuable de la justice s’évanouiraient sans retour ! Quoi ! le vent sifflerait dans les palais aux colonnes de