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LIVRE XX.

dent de bouc des siècles médisants. Tout au contraire, tu en retireras une gloire semblable à celle de Joseph d’Arimathie qui descendit Jésus tout sanglant de la croix. Et quand viendra le grand Charles, pour te récompenser il te fera archevêque. »

Là-dessus, Merlin conduisit Turpin à l’endroit de la forêt où il apprivoisait les ours et chevauchait les cerfs. Il s’y trouva de nombreux rouleaux de parchemin avec de l’encre et des plumes d’aigle taillées. Turpin se mit aussitôt à écrire ce qu’il se souvenait avoir vu dans les royaumes légendaires. Un essaim d’abeilles avait fait sa ruche dans un coin de la chambre de verdure. Leur bourdonnement se mêlait, sans le distraire, au grincement de sa plume. Tout ce qu’il y avait sur la terre d’oiseaux bleus ou merveilleux venaient tour à tour se poser sur les branches les plus proches des arbres ; et de leur voix ingénue ils racontaient consciencieusement, simplement, sans envie de briller aux dépens du vrai, ce qu’ils avaient vu ou entendu, soit dans les îles Heureuses, soit au pays des fées. De ces murmures, bourdonnements, gazouillements contrôlés l’un par l’autre, Turpin formait la pure trame de son récit.

Ainsi furent écrites jusqu’à la dernière ligne ses chroniques dorées, la nourriture des sages, lesquelles sont devenues la source de tout ce qui a été dit de véridique et de profitable dans le monde. Mon livre en est l’ombre fidèle, ou plutôt la copie littérale.

Un peu avant que ces chroniques fussent achevées, Merlin prit la main de Turpin, il la baisa et lui dit :