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LIVRE XX.

— Non ! non ! dit Merlin, en rompant l’entretien. N’espère plus, ô mon ami, m’en faire accroire. Je ne marche plus que sur des ruines ; encore ces ruines sont désertes, et j’ai là le pressentiment qu’un nouveau coup, parti je ne sais de quelle main, va me frapper au cœur. » À un signe, Turpin se retira, le prophète resta seul.

VIII

Quel pouvait être ce nouveau coup dont était menacé notre héros ? Et comment son cœur, tant de fois déchiré, donnait-il encore une prise à l’infortune ? L’histoire en est si simple, que mon auteur s’est excusé lui-même de la raconter. Toutefois, la voici :

Une troupe de bateleurs, funambules, acteurs de théâtres forains, tous sujets du roi de Bohême, fit au bruit de vingt trompettes son entrée dans le bourg voisin ; et Jacques, idolâtre de ces sortes de divertissements, obtint de son maître un congé d’un jour entier pour s’en repaître tout à son aise. Les dorures, les cavalcades, les aubades firent sur lui leur effet ordinaire ; puis les marionnettes chatouillèrent agréablement son âme enfantine sous sa face de Polyphême. Mais ce qui acheva de le bouleverser entièrement, ce furent les passes d’armes des acteurs forains, entrecoupées de fanfares, au moment où la plus belle des amazones, armée