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MERLIN L’ENCHANTEUR.

d’une hache, taillait une croupière au roi des Maures ; le tout entremêlé de l’explication des tableaux suspendus en plein vent, lesquels représentaient la bataille des géants, Barbe-Bleue lavant sa vieille dague rouillée, le roi de Maurienne, Tristan et Iseult surpris sur la couche de feuillée, où les séparait la grande épée d’icelui, témoin de leur innocence.

Jacques poussa un cri d’admiration qui le fit remarquer. Un des funambules, en descendant de l’estrade, lia conversation avec lui : Oserait-il bien comparer la vie d’enchanteur et de barde avec celle de bateleur ? Quelle différence, grand Dieu !

Partout des habits de pourpre relevés d’or massif, des plumes d’autruche, des tapisseries de velours cramoisi frangées de soie vierge ; toujours bien venus dans chaque gîte, choyés, caressés. En quoi, je vous demande, comparer ce paradis au rude métier de prophète ? Qu’il se décidât seulement à accepter le bien qu’on lui voulait. Il manquait dans la troupe un panetier du roi Thierry, de Maurienne ; déjà le costume était prêt, tout écarlate, tout chamarré de turquoises, d’escarboucles ; on allait le lui donner ; le reste viendrait après, toque à panache, escarcelle garnie, sabre recourbé de Damas, et cheval amblant.

D’ailleurs, quelle était à cette heure son salaire ? Apparemment fort misérable. Il aurait aisément le double, peut-être davantage, sans compter le bien vivre : au jour levant, bonnes lippées, gaudes et vin clairet ; à la dînée, viandes à foison et vin de Gascogne ; au goûter, la poule