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MERLIN L’ENCHANTEUR.

vient cette pitié, quand les bons, les honnêtes, les purs, les charitables ont banni toute pitié !

« Vienne la mort ! De tous les enchantements c’est, je crois, le meilleur ! »

Exalté par les mots du prophète, Turpin avait de nouveau saisi le fléau d’airain ; il s’était avancé la main haute ; ceux qui le voyaient de loin pensaient : « Quel est ce batteur qui porte ce fléau ? La saison des blés est-elle déjà venue ? Et où a-t-il fait son aire ? » Avant qu’ils eussent achevé de parler, Turpin frappait la terre ; les peuples maudits, éperdus, jonchaient la terre comme les épis concassés sous le fléau du batteur.

Cependant, au loin, Merlin, devenu misanthrope, se perdait dans la profondeur des forêts. Là il n’avait plus à craindre de rencontrer la face humaine ni d’entendre d’autres voix que celle des torrents.

Par intervalles s’élevait, à travers les murmures des feuillages, un chœur de voix qui répétaient, à la manière des éphémères, l’ancien refrain des jours heureux :

Tout est divin !
L’amour commence !

et d’autres achevaient, avec le bruit grossissant des cascades lointaines :

Puis vient la fin :
Mort ou démence.

Laissons Merlin le Sauvage s’enfoncer au fond des bois. Qu’il aille solitaire où le regard d’une âme men-