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MERLIN L’ENCHANTEUR.

gnol dans la nuit. C’est ici, c’est ici qu’il faut parler de félicité sous ce tilleul fleuri d’où la guerre déchaînée n’a pu chasser les rossignols.

Jusqu’à ce moment, le lecteur me rendra cette justice que tous les événements de cette histoire, ou, du moins, presque tous, peuvent s’expliquer par des causes purement naturelles. Fouillez, scrutez les événements : vous en trouverez aisément la raison dans les faits accomplis qui les ont précédés. Je tiens pour assuré que la logique a été scrupuleusement respectée, et que le progrès s’est réalisé sans nulle interruption, même d’un instant. Dans ce que je vais raconter, cette logique est moins évidente ; mais on est bien fort quand on a pour soi l’histoire même, cette institutrice des peuples et des rois. Est-ce à moi, d’ailleurs, de changer le cours des événements ? À Dieu ne plaise ! Les constater, les enregistrer, rien de plus, rien de moins. Voilà ma mission. Aucun obstacle ne m’empêchera de l’accomplir jusqu’au bout.

La dernière page des chroniques de Turpin était achevée. Il venait de se lever de son siége, emportant le livre fermé de son agrafe d’or. Les oiseaux de toute espèce qui avaient dicté son récit, cachés dans la ramée et déliant leurs langues, gazouillant à pleins gosiers, semblaient dire : « Moi aussi je figure dans les chroniques ! »

Merlin, resté seul au fond des forêts, se nourrissait de la plus noire misanthropie ; elle était même plus profonde ce jour-là que tous les autres.