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MERLIN L’ENCHANTEUR.

tation rustique plus propre encore à la méditation ; partout des terrasses, des arcades trilobées, soixante fenêtres ogivales où l’enchanteur pourrait à son gré se placer au-dessus du gouffre ténébreux, pour contempler de loin les vivants et converser avec eux à travers le sépulcre.

Quant à son étendue, en surface, le tombeau de Merlin se prolongeait d’abord dans le royaume d’Arthus, France, Espagne, pays roman, comme un beau royaume souterrain, bien muni de défenses et bastions, bien enclos de fossés, bien garni de donjons et tours à soupirail ; de là, toujours invisible, creusé dans les entrailles de la terre, il serpentait en Italie, jusqu’en Calabre et sous le mont Gibel ou Etna, d’où il allait rejoindre par de longs corridors sous-marins, la Grèce, la Pologne, la Hongrie, la Roumanie, sans parler de l’Allemagne haute et basse à travers laquelle il circulait ténébreusement ; ce qui comprenait un espace apparemment très-habitable pour l’esprit le plus impatient de toute espèce de frontière. De plus, on y jouissait des climats les plus différents ; mais la paix, compagne du silence éternel, était partout la même.

Dans ce sépulcre immense, se trouvèrent trois choses que le hasard seul n’avait pu y réunir, je veux dire la harpe de Merlin attachée à la voûte par une chaîne d’or, la lampe merveilleuse que lui avait donnée le prêtre Jean, enfin, s’il faut tout nommer, son jeu d’échecs. La lampe éclairait ce monde invisible. La harpe résonnait au moindre souffle de Merlin et de Viviane.