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MERLIN L’ENCHANTEUR.

— Non, dit Viviane. Je n’ai voulu ici que toi. Tu es le maître et le serviteur.

— Dieu merci ! s’écria l’heureux Merlin. Me voilà débarrassé d’eux. Le plus souvent ils n’ont servi qu’à me compromettre. »

Ici recommencent les jours fortunés de Merlin ; car la sérénité perdue rentra presque aussitôt dans son cœur. Grâce à l’éclat de la lampe, la différence des jours et des nuits était peu sensible ; et pourtant, cette splendeur continue n’offensait pas les yeux. C’était une aurore perpétuellement radieuse qui ne lassait jamais, non plus que le regard de Viviane jaillissant à travers ses cils noirs d’ébène.

Quand Merlin ne la tenait pas enlacée dans ses bras, ils visitaient ensemble leurs vastes domaines. « Jusqu’ici, ne se lassait de répéter le plus heureux des habitants du sépulcre, je n’ai connu que les angoisses. Qu’élaient-ce donc que nos jours les meilleurs sous le soleil desséchant des vivants ? » Alors il détachait sa harpe de la muraille pour chanter sa félicité ; et toute la terre résonnait de cette harmonie du tombeau. Ou il prenait la lampe dans sa main, et il allait fouiller avec Viviane dans les coins les plus obscurs du royaume ténébreux. Il arrivait avec elle jusque dans les lieux où se préparent les germes mystérieux des choses. Tout lui apparaissait dans sa splendeur native.

« Mais où donc ai-je vécu jusqu’ici ? s’écriait-il, quelles étaient mes ténèbres ! »