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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Était-il vivant ou mort ? C’est à vous de décider. Il est certain qu’il s’attachait aux lèvres de Viviane pendant de longues heures ou plutôt ces heures ne pouvaient se compter. Il avait, avec elle, une conversation entrecoupée de murmures, et mêlée quelquefois d’éclats, de rire. Sont-ce là oui ou non des signes de vie ?

Il aimait aussi les longs silences, pleins de rêveries indicibles ; en même temps, il n’éprouvait plus jamais un seul accès d’impatience, d’humeur ou de mélancolie. Pour l’inquiétude et la colère, elles étaient loin de lui. Il ne connaissait ni jaloux ni rivaux. Sont-ce là des signes de mort ?

Altéré, il buvait dans sa coupe à la source du grand fleuve Océan. Avait-il faim ? il se nourrissait des pommes sacrées de son verger. S’il faisait froid, par hasard, il allumait un feu de broussailles de l’arbre de la science ; si le sommeil le prenait, il s’endormait sur l’épaule frissonnante de Viviane. Si le silence l’inspirait, il jouait de la harpe ; si l’ennui commençait, il jouait aux échecs. Sont-ce là oui ou non des signes de vie ?

Comme Ulysse, il avait creusé lui-même sa couche nuptiale dans le tronc d’un noir ébénier.

Un voile étoilé y cachait les inépuisables délices qui couraient dans ses veines, si bien que des larmes tombaient de ses yeux au milieu des voluptés sacrées, comme si trop de félicité eût oppressé son âme. Sont-ce là oui ou non des signes de vie ?

Quelquefois, quand ils se promenaient, un rayon de