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MERLIN L’ENCHANTEUR.

« Je me ris du jour qui passe après s’être levé dans sa gloire. Oh ! qu’il était honteux de s’enfuir si vite au premier frémissement des feuilles du frêne, sous les pleurs nocturnes des cent îles !

« Je me ris du cyprès qui se flétrit comme la rose, de l’étoile qui s’éteint, des mondes qui se perdent, des temples qui chancellent, des dieux qui ne vivent qu’un moment. »

Ainsi Merlin s’enivrait de l’orgueil du tombeau ; mais cela ne dura qu’un instant, car les peuples les plus voisins, dont le sommeil avait été troublé par ses chants, ne pouvant se rendormir, s’approchèrent jusqu’au bas de la tombe ; et ceux-là s’écriaient :

« Qui repose ici sous ce tertre vert ? Est-ce vous, seigneur Merlin ?

— Oui, c’est moi !

— Quoi donc ! Est-ce du tombeau que parlent aujourd’hui les chansons ? Vous chantez, ô Merlin, dans le sépulcre pendant que les vivants gémissent !

— Il est vrai ; et que ne puis-je vous envoyer ma joie ! Mais répondez-moi en toute vérité : la bassesse, l’ingratitude, la lâcheté de cœur sont-elles restées vos trois patronnes ?

— Hélas ! oui.

— Savez-vous toujours ramper comme les serpents ?

— Nous ne l’avons pas désappris. Mais nous excellons toujours dans le combat.

— Dans le combat ! Oui, c’est une gloire qu’il vous