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LIVRE XXI.

quelques pierres ; et de là, passant à d’autres objets, il voulut savoir si Jacques était revenu au village et y prospérait, quels paysans et bouviers étaient mariés, lesquels veufs, lesquels orphelins ; si le marais d’en bas était en assec ; s’il y avait eu beaucoup de gens tremblant la fièvre ; si les seigles dans la Crau étaient bien venus cette année-là ; si les hirondelles avaient niché à sa fenêtre ; si le pommier qu’il avait planté dans le jardin des abeilles avait porté des pommes, et de quelle espèce. En un mot, il n’oublia chose au monde qui pût montrer que son cœur était encore resté pour une bonne part dans le village.

Toutes choses auxquelles il lui fut répondu de façon à le satisfaire. On admirait qu’il pût si aisément changer de ton, et qu’après avoir embrassé l’univers et parcouru les constellations, il se retrouvât si familier dans les charières du hameau et les chenevières. En prononçant ses dernières paroles, sa voix trembla et son cœur frémit. Il aurait voulu s’élancer vers ceux qui l’écoutaient. Mais en un clin d’œil il se ravisa ; puis il ajouta en congédiant la multitude :

« Allez, bonnes gens ! Ma seule peine, croyez-moi, est de vous avoir laissés dans une si grande détresse. Mais elle durera peu. »

Cela dit, les peuples se retirèrent ; chacun se sentait fortifié de la parole de Merlin, comme s’il se fût nourri de la moelle des chênes et des lions.