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LIVRE XXII.

Au même endroit du sépulcre, il y avait aussi des nations entières prématurément ensevelies et dont il prenait le plus grand soin. Chacune d’elles reposait sur une estrade élevée, lambrissée d’or, qu’il parfumait des senteurs de son verger. Les diamants étincelants chassaient l’ombre de ces lieux. Ni déclin ni corruption n’approchaient des hôtes de Merlin. Le ver du sépulcre n’entra jamais dans ces demeures.

Tout près des peuples ensevelis, il avait posé des vêtements parfumés de lin, de soie, quelques-uns de pourpre, suivant les habitudes, le goût, le costume national de chacun, afin qu’au premier signal ils pussent s’en revêtir, et que nul d’entre eux ne fût arrêté par la crainte d’affronter le soleil, dans sa nudité de corps et d’esprit.

Il y avait même, dans de vastes étables pavées de mosaïques, des chevaux noirs, à la crinière lisse, tombant sur les genoux, tout caparaçonnés d’or et d’écarlate, et des chars préparés pour que les nations et leurs chefs et leurs bons serviteurs pussent s’élancer plus vite au-devant du grand jour du réveil.

Mais quelquefois ils se trompaient d’aurore. Au plus profond de leur sommeil d’airain, voyez-vous les peuples se lever lentement, tristement, les yeux fixes, ouverts, chargés d’un voile de plomb, comme des somnambules ? Regardez ! les voici qui sortent, blêmes, de leurs couches. Les voyez-vous vêtir le haubert, lacer l’éperon, ceindre le baudrier, brandir l’épée, heurter l’écu, faire ondoyer la bannière ? Maintenant, où vont-ils ? Le fer au