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MERLIN L’ENCHANTEUR.

poing dans les ténèbres, ils vont chevauchant ; ils s’entrechoquent les uns les autres. Ils ont les yeux fixes, ouverts, et leurs yeux ne voient pas.

Nul cri ne sort de leurs bouches ; pas un clairon n’a sonné. L’obscurité augmente leur fureur. Quels combats souterrains ils se livrent, loin du jour, aveugles, inconnus, fratricides, qu’aucun poëte ne chantera jamais !

La visière baissée, pour augmenter la nuit, navrés au cœur, ils n’entendent pas le cliquetis de leurs glaives humides. Malheur ! pleurez, mes yeux, vos plus cruelles larmes. Ils trépignent dans leur sang vermeil ; ils ont les yeux ouverts, et leurs yeux ne voient pas !

Du plus loin qu’il les entend, Merlin se hâte. Il a levé sur eux son bâton de coudrier. Aussitôt, haletant, tous rentrent dans leurs couches sous leurs pierres tombales. De nouveau s’étendent autour d’eux le silence, la nuit, et la trêve des morts n’est plus rompue par personne. Pleurez, mes yeux, vos plus cruelles larmes. Ils ont maintenant les paupières fermées.

II

Dans le labyrinthe du royaume souterrain, entendez-vous un gémissement sourd, commue d’un homme qui geint, enseveli vivant ? Celui qui laisse échapper cette plainte est étendu sur le dos ; sa poitrine s’abaisse, se soulève tour à tour ; avec elle tremble le