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LIVRE XXII.

mont Etna qui l’écrase et lui sert de pierre sépulcrale.

Dès que le bruit des pas de Merlin arriva jusqu’à lui, il retint d’abord un moment son haleine pour mieux écouter ; puis, tournant avec effort la tête du côté d’où lui venait le secours :

« Toi qui sembles, dit-il d’une voix caverneuse, le maître de ces lieux souterrains (tant les chemins te sont connus !), et qui, sans doute, n’as jamais vu ceux qu’éclaire le soleil, apprends-moi si le nom d’Encelade est arrivé à tes oreilles, ou s’ils ont réussi à l’ensevelir ici avec moi. Vois comme je suis écrasé injustement sous cette montagne ardente. Cependant là, au-dessus de ma tête, sur le sommet ombragé de pins, parmi les torrents de lave refroidie, le cyclope de Sicile, pour me railler, fait résonner jour et nuit sa chanson et son chalumeau jusque dans la mer profonde ; et les troupeaux bondissent, les forêts sonores agitent leurs chevelures ; les villes des hommes se remplissent de bruit, sans se soucier de ma peine, moi qui les porte tous sur ma poitrine haletante !

— Prends patience, bon Encelade, lui répondît Merlin. Je te reconnais à ce mont qui t’écrase. Moi aussi, j’ai porté sur ma poitrine des montagnes de douleur et d’oubli. Je les ai toutes renversées par un grand effort de mon cœur, si bien que je suis libre, comme tu le vois, dans cet empire souterrain qui est mon héritage ; il en sera de même pour toi, si tu gardes l’espérance sereine. »

À ces paroles, le bon Encelade se sentit consolé. Vi-