Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur tome 2, 1860.djvu/321

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
317
LIVRE XXII.

faible idée de l’épouvante de Viviane, lorsqu’elle cacha son visage dans le sein de Merlin.

« Qu’est-il arrivé ? s’écria-t-il. Qui a pu t’offenser ou te menacer, toi, la meilleure partie de moi-même ? Si nous ne trouvons ici l’immuable paix, où irons-nous la chercher ? »

Viviane lui raconta ce qu’elle venait de découvrir. Aussitôt il pensa à son père et se sentit saisi lui-même de terreur à l’idée que le roi de l’enfer avait trouvé le chemin de sa retraite.

« Ce sera quelque ange égaré qui veut se frayer un sentier parmi nous.

— Qu’est-ce qu’un ange ? » demanda Viviane.

Il le lui apprit ; elle s’écria de nouveau :

« Ainsi, même dans le sépulcre, nous ne sommes pas seuls ! Où fuirons-nous ?

Par-delà la mort ! Je m’en sens la puissance. »

Et, voyant l’effroi de Viviane augmenter, il feignit une assurance qui lui manquait. Sans doute l’étranger ne l’avait pas aperçue retirée dans l’ombre du tombeau. Pourquoi donc s’effrayer ? Ils ne feraient plus un seul pas hors de la salle marbrine de la tour funèbre. Qui oserait les assaillir dans cette enceinte ? Pas même le prince des épouvantements.

Malgré ces paroles et d’autres du même genre, l’inquiétude était entrée dans leur demeure. Une vague terreur se mêlait à leurs plus douces joies. Au moindre souffle du vent qui s’engouffrait dans les cours ou les alcôves d’albâtre, Viviane se retournait en frémissant.