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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Elle croyait entendre un frôlement d’ailes de soie. Mais ce qu’ils craignaient tardant à arriver, ils cessèrent d’y penser ; et l’oubli leur rendit l’ancienne sérénité, tant il y a d’imprévoyance chez les hommes et même chez les enchanteurs.

IV

Sitôt qu’on eut appris qu’il était possible de converser avec Merlin à travers le tombeau, adulations, promesses vénales, offres détournées, séductions ouvertes, cadeaux déguisés, sourires, tout fut mis en usage pour l’embaucher et le décider à reparaître sur la terre.

La première foule un peu dissipée, il entrevit confusément un courtisan nommé Gauvain, lequel lui était député par tout ce qui restait encore du vieux monde ;

« M’entendez-vous, maître Merlin ? disait le chevalier en faisant résonner ses éperons au bas de la tour.

— Fort bien, messire Gauvain.

— Et moi, j’aperçois votre manteau brodé de cérémonie.

— Gens de cour, ne verrez-vous donc jamais que l’apparence ?

— Comment donc, vous, le plus sage des hommes, avez-vous pu tomber dans cette embûche ?

— Parce que j’ai eu, Gauvain, la folie d’aimer un autre plus que moi-même.