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LIVRE XXII.

— Faut-il désespérer de vous revoir dans les vastes salles du roi Arthus ?

— Je suis retenu ici par un lien que je ne briserais pas si je pouvais le briser.

— Quel est donc votre bonheur dans ce tombeau ?

— Mon bonheur, Gauvain ! il est plus grand que tu ne penses. C’est de lutter contre l’injustice, d’être submergé dans l’Érèbe, et de ne jamais crier : Pitié !

— Mais que deviendront les chevaliers, les barons, les gens de cour, sans Merlin ?

— Qu’ils dorment leur sommeil ! Je ne puis rien pour eux. »

Le chevalier Gauvain porta cette réponse au petit nombre de barons qui demeuraient éveillés et debout dans les ruines chancelantes de leurs châteaux.

Du plus loin que le messager était aperçu, les barons et les courtisans criaient du haut des tours :

« Merlin reviendra-t-il ?

— Il ne peut revenir, » répondait le messager. Tous versaient des torrents de larmes.

« Nous voyons bien, murmuraient-ils, que notre heure est venue. Nous aurions dû le comprendre quand le noble Arthus s’est endormi de son sommeil magique. »

Sur cela chacun se retirait. Les cours devenaient désertes, même les ruines disparaissaient. À peine s’il restait quelque part un portier du palais pour dire au passant :

« Voyez ! voilà ce qui reste du noble Arthus. Ainsi tout finit quand le puissant Merlin a disparu. »