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LIVRE XXII.

— Quoi, messire Jacques ? répondit Merlin avec douceur. Parlez-vous donc encore patois ?

— Où êtes-vous, mon cher maître ?

— Ici.

— Je ne puis vous voir.

— Ne l’essaye pas, mon ami ; contente-toi de m’entendre.

— Parlez plus haut, répliqua Jacques en appliquant le creux de sa main contre son oreille.

— Sache, ami, que mon seul déplaisir dans ces lieux est de devoir l’abandonner à ta propre sagesse. Ton éducation, que j’avais entreprise, est à peine commencée. Défie-toi, Jacques, des faux enchanteurs ; il en viendra un grand nombre, mon fils, qui chercheront à te prendre par ton faible. Ceux-là te promettront de te nourrir mieux que je ne faisais ; mais ce ne sera qu’un leurre. Si tu as eu souvent avec moi la vie rude, le pain amer, c’est que les temps étaient mauvais. Mais je t’aimais du fond du cœur : et, avec un peu de patience, tu aurais eu de meilleurs jours. Ah ! combien je tremble de te voir livré à toi-même ! Du moins, toutes les fois, ô mon fils, que tes occupations te le permettront, ne manque pas de venir me consulter ici. N’entreprends chose au monde sans m’en demander avis. Tu me trouveras toujours tel que tu m’as connu ; le tombeau, cher fils, ne m’a changé en rien. Pourvu que tu suives exactement, de point en point, mes avis, il ne faut pas désespérer de te suffire à toi-même.

— Maître, répondit Jacques, quelle vie pouvez-vous