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MERLIN L’ENCHANTEUR.

mener dans ce tombeau ? N’y êtes-vous pas trop à l’étroit ?

— Nullement ! De ma vie, je ne fus si libre.

— N’y couchez-vous point sur la dure ?

— Point du tout, ma couche est molle et mieux préparée que lorsque tu la faisais toi-même.

— N’y souffrez-vous pas du froid et du gel ?

— Non.

— Et du chaud ?

— Encore moins.

— Et des moustiques ?

— Nullement.

— Vous y endurez donc la soif ?

— Aucunement,

— Mais la faim ?

— Au contraire, je suis pleinement rassasié. Ne crois donc pas toujours, mon ami, que la faim et la soif soient la principale occupation des morts comme des vivants. Nous risquons trop de ne nous revoir jamais, si tu ne gardes pas mieux les enseignements et, j’ose le dire, les exemples que je t’ai donnés, dans les royaumes d’Espagne, pour ne parler que de ceux-là. Souvent, tu m’as vu me nourrir des seules mûres des buissons, accompagnées de quelques baies, et j’étais heureux. Si j’ai fait cela, quand j’étais avec toi sur la terre, que ne puis-je supporter aujourd’hui ? Ne t’inquiète pas davantage, mon ami, de ma nourriture ; elle te contenterait toi-même. »

Comme il parlait encore, arrivèrent Turpin et le