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LIVRE XXII.

prêtre Jean qui se prosternèrent ; et Merlin leur rendit le salut de la main ; sans s’interrompre, il leur recommanda tendrement son serviteur :

« Le voilà, amis ! Je vous le lègue pour votre part d’héritage. Soutenez-le. Il est si faible malgré sa vigoureuse membrure ! Éclairez-le, surtout ! Il a la vue si courte ! Je crains qu’il ne devienne complètement aveugle. »

Tous deux firent serment qu’ils assisteraient de leur mieux Jacques demeuré orphelin.

« Nous ne pouvons vous remplacer, Merlin, dirent-ils. L’espérer serait vanité. Soyez tranquille, au demeurant. Nous ne possédons rien qui ne soit à lui, tant du côté de l’esprit que du côté du corps. Adieu ! et que la paix soit avec vous dans votre sépulcre ! »

À ces mots, le prêtre Jean se releva de terre pour bénir l’immense tombe. Turpin, à deux genoux, dit ses prières.

Après cet adieu, Jacques, le cœur un peu moins angoisseux, retourna prendre sa place au chevet d’Arthus. Quel fut son étonnement de voir que le roi avait disparu. « Où sera-t-il allé ? » disait-il. Sur cela, il se faisait mille reproches de ce qu’il n’avait pas appelé un veilleur pour le garder.

« Sans doute, pensait-il, à moins que les loups ne l’aient dévoré, le roi Arthus s’est réveillé ; il a demandé à manger ou à boire, et, ne trouvant personne pour le servir, il s’est levé. Dieu sait où il aura été quérir sa subsistance. »

Là dessus, il se mit à le chercher dans tous les envi-