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MERLIN L’ENCHANTEUR.

rons, fouillant les plaines, les ravins, les pays d’étang ou d’assec ou de vaine pâture, ne laissant en arrière bois, taillis, vernet, teppe, verchères, clairières, cépées, sans battre les buissons et y jeter les yeux. Il fit tant qu’il retrouva, dans l’île sacrée d’Avalon, le monarque plus endormi qu’auparavant, à l’entrée d’une grotte d’où sortait un ruisseau soudainement grossi par la fonte des neiges ; le roi des rois avait rencontré cet obstacle et n’avait pu le franchir.

C’est là que Jacques recommença sa longue veille. Mais de tous ceux qui passaient en cet endroit, allant à l’ouvrage, il y en eut peu qui ne se détournassent pour le railler ; ils lui disaient :

« Que fais-tu, pauvre Jacques ? Qu’attends-tu dans ce carrefour ? As-tu perdu le sens de veiller un homme mort ?

— Il n’est point mort, répondait l’homme de bien. Il va se réveiller. »

La moquerie des rustres et des gens de ville lui ôtait le cœur d’en dire davantage ; sans savoir qu’ajouter, il se prenait à pleurer. Ces larmes solitaires, vues du ciel, rachetaient ses infidélités.

VI

Lorsque le monde eut achevé de s’éloigner, Merlin se prit à réfléchir ; et chaque jour, dans son tombeau, il grandissait en sagesse. « Au sein même de l’amour, se