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LIVRE XXII.

disait-il, il faut une occupation réglée ; sinon le cœur se dévore, et la flamme se consume par la flamme. » Cela était surtout nécessaire dans les moments où Viviane passait le seuil qu’il ne pouvait franchir. Que faire dans ces mortelles heures d’isolement ?

La pensée lui vint d’écrire dans son sépulcre. Et il est de fait que c’est ainsi qu’il devint pour les Français ce que le sage Hermès avait été pour les Égyptiens. Car il composa dans son tombeau l’ébauche et le plan de tous les livres fameux dont les auteurs français se sont plus tard attribué le mérite. Les murailles de son tombeau étaient de marbre et de granit. Il couvrit de son écriture ces vastes murailles ; et si tant d’auteurs ont acquis une gloire immortelle, avouons que leur peine n’a pas été grande, puisque les meilleurs n’ont fait que copier les œuvres de Merlin, gravées silencieusement par lui sur le rocher qui lui servait de tombe.

Reconnaissez d’ailleurs, ici, le caractère de notre enchanteur. Quoiqu’il y eût peu d’apparence qu’aucun œil humain vit jamais ces ouvrages enfouis avec lui, il ne laissa pas d’y apporter le plus grand soin, comme s’ils eussent été faits pour être soumis au jugement des hommes. La vérité est qu’il travaillait pour la propre satisfaction de sa conscience, nullement pour la vanité.

D’ailleurs, se contentant lui-même très-difficilement, un de ses ouvrages était-il terminé, il conduisait Viviane dans la salle où il l’avait écrit en beaux caractères cunéiformes, assez semblables à ceux de Persépolis, si ce n’est qu’ils étaient mieux moulés. Là, il lui en faisait