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MERLIN L’ENCHANTEUR.

lecture, lentement, pesant chaque mot, chaque syllabe, tout prêt à déférer à ses avis.

Avant qu’elle eût parlé, c’était le plus modeste, le plus soumis des êtres. Viviane avait-elle approuvé l’ouvrage, rien au monde n’eût pu amener Merlin à en changer une ligne. « Je ne sais, disait-il, si jamais ces œuvres seront aperçues par les hommes. Je les ai écrites pour toi à la lumière de la lampe enchantée ; et véritablement, je n’y ai point épargné l’huile. Si elles ont un seul moment amusé Viviane, si elles lui ont fait oublier le séjour de la mort, Merlin est trop récompensé. »

Puis le lendemain, s’il pleuvait ou neigeait (car quelquefois cela arrivait, mais sans aucun souffle de vent), ou bien s’il était seul, il recommençait à graver un autre ouvrage, si bien que toutes les colonnes des voûtes, les pinacles fleuris, les panneaux des portes, les plinthes, finirent par en être remplis ; et c’est ainsi, et non autrement, que furent composées, dans une sérénité éternelle, toutes les œuvres dont se sont targués les Français devant les autres nations.

Les bons auteurs, pleins de soumission à l’enchanteur, n’ont fait que copier, transcrire, sur le parchemin ou le papier, ce que Merlin avait écrit sur la pierre ; et le seul reproche que j’aie à leur adresser est d’avoir déguisé le larcin mieux qu’il ne convenait peut-être. Mais, à la fin, la terre révèle ses secrets.

Les mauvais auteurs, au contraire, emportés par un orgueil puéril, ont voulu faire autrement que l’enchanteur : gens de bruit et de fumée, qui se seraient crus