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LIVRE XXII.

déshonorés s’ils n’eussent été que les copistes de mon héros. Et certes, quoiqu’ils aient eu connaissance de ses ouvrages (je ne sais par quelle infidélité de Jacques, peut-être), ils y ont tant mêlé d’inventions de leur chef qu’ils ont réussi à gâter l’original, en sorte que c’est leur vanité qui les a perdus.

Au demeurant, toutes les fois que vous trouvez une page immortelle, dites hardiment : Cela est pillé de Merlin. Toutes les fois que vous trouvez une œuvre ou affectée, ou ridicule, ou simplement insipide, dites aussi : Voilà ce que c’est de vouloir corriger l’enchanteur.

Le premier ouvrage où il s’essaya, dès que ses yeux se furent faits à la clarté trop éblouissante de la lampe, fut en vers. Il en remplit trois cent quarante-cinq salles, depuis le pavé jusqu’à la voûte. C’était un grand poème où il racontait, à tête reposée, tout ce qu’il se rappelait de la cour d’Arthus et des preux. Il écrivait ces poèmes, dans la matinée, d’une seule haleine, sans rature. Viviane, qui voulait l’encourager, se garda de lui dire qu’ils étaient un peu longs.

« C’est une ébauche, ajoutait Merlin. Je la développerai…

« D’autres, reprenait-il avec trop de suffisance peut-être, seront plus loués que moi dans les pièces détachées ; leur versification sera plus applaudie que la mienne. D’autres encore remporteront le prix de la chanson et de l’ode, quoique moi aussi j’aie frappé quelquefois à la porte des hymnes, fermée depuis le bon