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MERLIN L’ENCHANTEUR.

senteur emmiellée des fleurs, de la sagesse des fourmis. C’est elle qu’il venait de célébrer en ce moment même. Il n’eut ni le courage de détromper Viviane, ni celui de lui mentir ouvertement. Sans répondre, il la regarda d’un air qui voulait dire : « Toutes mes pensées vont vers toi. »

À aucune chose il n’avait pris autant de plaisir qu’à ces petits ouvrages qui naissaient sans peine et presque sans réflexion sous ses doigts. Il en eut bientôt composé une centaine de livres. Et ce fut une joie sans exemple, dans presque tous les mondes, quand les êtres les plus inconnus, les plus insaisissables par leur petitesse, les plus innommés, apprirent, par hasard, qu’ils avaient leur poëte.

« Nous aurons donc enfin, nous aussi, notre immortalité ? disaient les éphémères.

— Savez-vous, répondaient les papillons, que cette gloire aux cent couleurs, aux mille yeux, nous était bien due ?

— J’en désespérais presque à force d’attendre, répliquait un moucheron ; j’y ai usé mes deux ailes.

— J’y ai perdu presque la voix, reprenait mélancoliquement un bouvreuil.

— Itys ! tys ! tys ! poursuivaient les rossignols. Je ne sais quoi nous disait que le génie ailé se ferait jour à la fin. Voilà pourquoi nous n’avons jamais perdu courage, même en pleine nuit, quand personne ne nous écoutait et que le monde entier semblait dormir. »

Ainsi cet ouvrage de Merlin reçut l’applaudissement