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LIVRE XXII.

nant pas même qu’il pût y avoir un autre monde et une autre lumière.

Au premier cri qu’il poussa, les hommes furent grandement étonnés d’entendre des vagissements d’enfantelet sortir de dessous terre. Ils se réunirent, et, appelant Merlin à son de trompe, ils lui dirent : « Seigneur Merlin, depuis quand est-ce que le tombeau enfante ? » Merlin répondit : « Depuis que je l’habite. »

Prenant alors son enfant à la mamelette, il l’emporta sur son balcon, d’où il le montra aux hommes. Ceux-ci ne le virent pas, mais ils entendirent ses vagissements, semblables à ceux d’un renardeau qui sort la nuit de sa retraite pour la première fois et vient chercher pâture autour d’un colombier. Ils ne savaient s’ils devaient sourire ou s’effrayer. Merlin, agitant les grelots avec lesquels il apaisait les pleurs du nouveau-né, rassura les timides :

« Allez, bonnes gens ! réjouissez-vous et n’ayez peur ! N’entendez-vous pas ces grelots ? Puisque cet enfant, qui compte à peine deux jours, rit et s’amuse dans le tombeau, n’est-ce pas que cet endroit est plus plaisant, cent fois, que vous ne pensez ?

— Il le faut bien, répondirent-ils ; » et ils firent retentir leurs musettes, leurs cornes de buffles, leurs sambuques. Ils frappèrent leurs boucliers, ils sonnèrent toutes les cloches. Le bruit des corybantes, à la naissance de Jupiter, dans la caverne de Crète, ne fut rien auprès qu’une chanson de cigale.

Bientôt Turpin descendit de sa montagne :