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LIVRE XXII.

ne peut toujours éviter. Un silence qui commande le respect, des heures un peu monotones et toutefois bien remplies, un peu trop de curiosité peut-être pour les choses invisibles : voilà le seul inconvénient.

Et c’était un spectacle dont vous eussiez vous-même été ravi, que de voir Viviane assise sur la terre, allaiter ce fils du tombeau qui se cramponnait à ses mamelles. Le bon Merlin, debout près d’elle, les regardait l’un et l’autre dans une extase sans fin. « Celui-là, au moins, disait-il, échappera aux faux enchanteurs. Il ne sera pas arrêté par les obstacles qui m’ont entravé à chaque pas et que je n’ai vaincus qu’à demi. Si mon instinct de père ne m’aveugle pas étrangement, poursuivait-il, il ira plus loin que moi et sans beaucoup de peine ; car, enfin, bien que ma carrière n’ait pas été tout ce qu’elle promettait d’être, mes travaux ne laisseront pas d’être utiles à celui qui doit porter mon nom. Il est toujours important d’avoir un père qui vous a frayé la route. L’avenir est infiniment plus facile. »

Viviane, en entendant ces mots, ne pouvait s’empêcher de sourire, et ce sourire illuminait tout ce qui était autour d’elle.

Véritablement, Merlin aurait voulu que son fils n’entendit jamais parler des hommes ou du moins le plus tard possible. Mais le moyen d’éviter ce pénible sujet ? Quand il conversait avec les vivants, il ne pouvait se cacher entièrement de l’enfant qui lui demanda une fois :

« Père, avec qui parles-tu ?

— Avec les hommes.