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LIVRE XXIII.

core une fois, venez ! Il est là, sans son masque, le sein nu, exposé à vos vengeances. » Ô ! çà, Merlin ! que penses-tu d’un discours semblable, adressé à la création ? Ne voilà-t-il pas un brillant coup de scène ? Ne serait-il pas beau de se démettre ainsi d’une royauté dont j’ai épuisé, crois-moi, tous les clinquants ? Allons ! vite, ton avis ?

— Sans doute ! Ce serait la vraie grandeur.

— Et que je trouverais ainsi une gloire qui m’a trop manqué ?

— Précisément, ô père ; profitons de cet heureux instant où la pure lumière se fait dans votre génie. Concluons.

— Conclure ! cher Merlin ! Voilà ce qui m’est insupportable. Tu te presses trop aujourd’hui, comme toujours. Et puis, mon cher, encore une difficulté. Si je me réconcilie avec cet univers, si je fais ce grand pas assez humiliant, du reste, qui croira, je te prie, à ma parole ? N’entends-tu pas d’avance le ricanement de tous les êtres qui me poursuivront, moi, pauvre oiseau de nuit, hué par les oiseaux du jour ? Qui voudra croire à ma sincérité ? « C’est une nouvelle hypocrisie ! le voilà vieux, il s’est fait ermite. » Tu connais leur langage. Dans cette immensité de mondes, d’êtres, de créatures, d’anges, d’hommes, de démons, ou de fées, trouve-moi un seul être qui veuille se fier à moi, pour un moment. Toi-même, Merlin, avec toute ton ingénuité dont je t’ai raillé tant de fois, voyons ! Me fierais-tu seulement pour une minute le