Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur tome 2, 1860.djvu/368

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
364
MERLIN L’ENCHANTEUR.

l’Aïeul en s’appuyant sur le bras de son fils. Je crois, ma foi, que tu m’as ensorcelé. »

Bientôt, ils se trouvèrent loin des bords du précipice, dans un lieu des plus champêtres. Les troupeaux funèbres paissaient tranquillement. Le centaure, leur gardien, veillait couché sur l’herbe, d’où s’élevait sa tête vénérable.

« Encore une fois, dit Satan, je ne suis point insensible à cette vie rustique. Comment y revenir, après des jours si dévorants, voilà la question. Voyons ! quelle est la doctrine ? Ton église ? Ton Credo ? Parle franchement. À quelle église prétends-tu me convertir ? »

Merlin ne s’attendait pas à cette question. Il avait seulement préparé un certain nombre de scènes, de rencontres, de tableaux de la vie des champs, sur lesquels il comptait pour ramener la paix dans l’âme brûlante de Satan. Il espérait que la fraîcheur sacrée de son sépulcre s’insinuerait d’elle-même dans le cœur du chef des misérables. Quand il l’entendit lui faire une question si directe, son embarras fut visible. Sans se donner le temps de réfléchir, il répondit un peu inconsidérément :

« Le moyen le plus sûr serait de faire votre paix avec le ciel.

— Tout doux ! Cela est bien vague. De quel ciel parles-tu ? Il y en a de tant de sortes !

— Mais, reprit Merlin de plus en plus troublé, le ciel d’où vous êtes tombé !

— Dis donc le paradis, si tu l’oses ! répliqua son père d’une voix de tonnerre.