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LIVRE XXIII.

— Oui, le paradis. »

À ces mots, Satan se lève avec un regard où l’orgueil des anciens jours reparaît sans mélange :

« Fort bien, sage Merlin ! Voilà toute ta science ? Je m’en doutais, mon cher. Le catéchisme, n’est-ce pas ? La vie ne t’a rien appris, ni le tombeau ! toujours empêtré, embéguiné de rêveries. Eh bien ! soit ! Reste à jamais tout vif enterré dans tes momeries plâtrées. »

Et il se disposa à partir.

« Sache donc, ajouta-t-il en se retournant, que les siècles des siècles peuvent s’accumuler sur la tête de ton père ; jamais il ne se réconciliera avec les anges : ils ont été trop superbes. Je te dirai même que je respire ici une vague odeur de figuier, qui me rappelle Adam et Ève dans l’Éden ; et cette ressemblance seule, si elle n’était toute de fantaisie, me ferait fuir à l’autre extrémité du monde. Serais-tu, par hasard, leur imitateur ? Adieu, Merlin. Si c’est là ce que tu avais à me dire, tout est fini. »

Souvent, par un beau jour d’avril, la joie de ceux qui avaient espéré une saison meilleure est soudainement trompée. Sur un ciel bleu, limpide, on voit d’abord s’étendre une brume grisâtre. Lentement, sans bruit, la neige couvre la terre embaumée. Tout ce qui s’était épanoui prématurément se sent resserré par une main de glace. Les bourgeons rougissants, du prunier sauvage se couronnent d’aigrettes de givre. Les coupes des anémones se remplissent jusqu’au bord de flocons de neige et de grésil, au lieu de la rosée qu’elles attendaient. Les