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MERLIN L’ENCHANTEUR.

oiseaux surpris, revenus d’hier, qui avaient senti l’haleine du printemps, essayent de chanter pour désarmer le vieil hiver. Mais en vain ! Après quelques notes entrecoupées, ils sont contraints de garder le silence. Combien alors ils regrettent d’avoir quitté trop tôt leurs maisons feuillues sous un ciel plus indulgent !

C’est ainsi que Merlin se repentit, pour la seconde fois, d’avoir espéré trop tôt la conversion de son père. Il regretta sa joie prématurée et se sentit vaincu par un plus puissant que lui. Cependant avant de renoncer à sa plus grande espérance, il fit un suprême effort.

« Attendez, mon père ! il y a ici quelque malentendu, je vous assure. Vous le savez, dans la jeunesse, on porte sur tout un jugement trop absolu. Relisons ensemble la Bible, avec un esprit plus calme. Je jure d’avance que vous en goûterez les beautés. Un esprit si grand, si juste que le vôtre, ne peut se laisser gouverner par une haine irréfléchie.

— Irréfléchie ! Ne me demande rien qui soit incompatible avec ma dignité. Encore un coup, je n’y consentirai jamais. Depuis que tu me rappelles les jours maudits, tout l’ancien mal se réveille en moi. »

Voyant l’endurcissement de son père » qui déjà se bouchait les oreilles, Merlin se hasarda à lui dire :

« Vous pourriez au moins vous convertir à la philosophie. »

À cette parole, Satan s’adoucit un peu et grommela entre ses dents :

« J’ai toujours pensé que sur ce terrain-là il serait