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LIVRE XXIII.

possible de s’entendre. Allons, parle donc ! explique-toi.

— Avez-vous lu, cher père, la Philosophie de la nature du célèbre docteur et enchanteur Benedict ?

— Oui, je l’ai parcourue, un soir, à la lueur d’une de mes fournaises ; je parle de la première édition, car on m’a dit que la seconde est toute changée depuis que l’auteur est devenu conseiller.

— Et que vous en semble ? Il prouve que Dieu a commencé par être le diable.

— Justement, j’ai goûté ce passage. Il y a du bon. Sur ce fond là, je puis, sans déshonneur, me réconcilier avec la philosophie ; je ne le pourrais, sans me manquer, avec l’Église. »

Et d’un son de voix plus âpre, en frappant la terre du pied :

« Dis-moi, mon fils. Entre nous, connais-tu le grand Pan, au cœur velu, au pied bot comme moi ? C’est à lui-même que je voudrais avoir affaire, et non pas à ses gens. Va le chercher. Après toi, c’est le seul auquel je puisse me confier.

— Il y a longtemps, père, que je ne le vois plus. Il est mort ! m’a-t-on dit.

— Lui mort ! Le grand Pan ! Allons donc ! Il nous enterrera tous. »

Merlin, avec une prévoyance qui marque sa sagesse mieux que ne feraient les paroles, avait composé un extrait des principaux philosophes de la Nature. Il avait écrit ce livre sur un beau parchemin vierge, embelli de dessins représentant des fleurs entremêlées et des