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MERLIN L’ENCHANTEUR.

oiseaux en nombre presque infini. Le volume tiré de dessous son manteau, il l’offrit à son père. Celui-ci le reçut avec complaisance, et, depuis cet instant, pas un jour où vous n’eussiez pu le rencontrer au bord des précipices, les yeux attachés sur l’une des pages du volume. Il ne le fermait que pour méditer ; quand, par hasard, il ouvrait la bouche, c’était toujours pour s’écrier : « Non, non, non ! » jusqu’à ce que le souffle lui manquât.

Alors l’enfer frémissait, beaucoup de démons disaient :

« À quoi pense donc notre chef ? Vraiment, c’est trop de lectures. Vous verrez que lui aussi nous trahira. »

Cependant les ténèbres l’enveloppaient et marchaient à ses côtés. Comme une foule immense, confuse, innommée, qui se presse autour d’un voyageur à la porte d’une ville, elles l’embarrassaient à chaque pas. De cette multitude sortait un murmure informe :

« Où va-t-il ? — Que veut-il ? — Il s’arrête ! — Est-il sourd ? — Veut-il nous renier ? — Il s’éloigne. — Il revient. — Rampons devant lui. — Enténébrons son cœur. — Par ici ! — Non, plus loin ! — Le voilà ! »

« Laissez-moi seul, dit leur roi.

— Quoi ! vous quitter ! répondirent en chœur les ténèbres. Ne sommes-nous pas vos conseillers ? Votre âme, vous le savez, est faite à notre image, vos pensées sont pleines de nous. Ô roi ! vous nous les empruntez presque toutes. Nous habitons en foule jusqu’au fond de votre cœur. Comment donc est-ce que nous pourrions nous séparer de vous ? Grâce à notre troupe fidèle