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MERLIN L’ENCHANTEUR.

V

Il y avait à l’angle du tombeau un lieu obscur, brumeux, embarrassé de pâles lianes et de fleurs nocturnes, où Merlin se sentait plus enseveli que dans les autres. D’abord il ne s’en approchait qu’avec horreur ; mais, l’habitude l’ayant familiarisé avec les vapeurs du sépulcre, il visitait ce lieu, toutes les fois qu’il voulait se recueillir plus intimement dans la mort.

Malgré ses fréquentes retraites dans cet endroit, il n’y avait jamais remarqué une vaste porte massive comme pour un géant, tant elle était étroitement scellée au rocher vif. Mais, un soir, il la vit, et, à travers la fente, une lumière éblouissante qui serpentait au haut de la voûte. Ayant poussé la porte, elle s’ouvrit d’elle-même avec fracas, comme si la foudre eût roulé sur ses gonds, et il se trouva dans la demeure des Éclairs.

Il appela et demanda :

« Qui habite si près de moi dans ma tombe ? »

Une voix partit des entrailles de la terre et répondit :

« MOI ! Je suis le Dieu caché. Quand tu as passé sur la terre, j’étais dans la nue. J’étais sur le haut du Liban, quand tu étais dans la vallée. Je siégeais sur l’écliptique, quand tu contemplais les astres. Maintenant que tu es dans le tombeau, j’habite par delà la mort. »