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MERLIN L’ENCHANTEUR.

qu’elle put parler. Que faisiez-vous à cette heure sur ces glaciers ? »

Elle n’ajouta aucun reproche ; mais ses larmes en disaient plus que toutes les paroles.

Je m’excusai sur mes occupations, mes devoirs. Il fallait bien cueillir l’herbe d’or qui ne croît que sur les cimes, polir quelques cristaux, semer des diamants sur les glaciers, pour leur refaire un collier.

« Cruelle, interrompit-elle, ce n’est donc pas assez de vouloir mourir ? Prétendez-vous me tromper ?

Et elle me serra dans ses bras en étouffant ses larmes. Je ne pus retenir plus longtemps les miennes. Je lui racontai ce qu’elle savait déjà, mon amour pour toi, Merlin ; comment je t’avais connu ; le jour, l’heure, le lieu, nos fiançailles ; comment j’avais quitté pour toi mon père Dionas : nos serments, nos disputes même, la différence de nos caractères, ton humeur de poëte ; je ne lui cachai que tes caprices. Mais je ne lui dissimulai pas que l’ennui de vivre m’avait saisie, que j’avais joué avec la mort, que j’y étais entrée à moitié avec une terreur mêlée d’indicibles délices.

« Pauvres enfants ! s’écria-t-elle quand j’eus fini ; au moins t’aime-t-il encore ?

— Il le dit.

— Nous verrons bien, » reprit-elle.

Depuis ce moment, elle ne songe qu’à notre mariage. Elle prend tout sur elle, et d’abord elle se chargera des lettres ; en en mot, elle ne cesse de me montrer une bonté que je ne lui connaissais pas. Il a fallu lui