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MERLIN L’ENCHANTEUR.

À vous la tombe ; à vous aussi l’enseveli. Beaucoup de rois, sire, ont passé sur la terre, beaux, jeunes, chevelus, amoureux de batailles. Ils venaient, triomphants, me demander conseil pour l’apparence, sourds au fond, impatients de me désobéir ; ils se retiraient, dans le deuil, chauves, ridés, boiteux, courbés sous les années. Vous seul, sire, avez gardé votre verte jeunesse. Combien peu vous êtes changé ! Le temps n’a rien pu contre vous. Tel je vous ai quitté à Lutèce, aux beaux jours de ma vie, tel je vous revois. »

À ces mots, Viviane et son fils laissent tomber sur le front du roi, en guise d’hommage, une blanche pluie de fleurs de pommiers, dont il se réjouit plus que de toute autre aubaine.

Touché de cet accueil, le roi tendit gracieusement la main vers l’enchanteur ; s’il l’eût osé, il eût laissé couler ses larmes :

« Oui, c’est moi, Merlin ! Que Dieu le garde en joie ! Ta fidélité m’agrée et ne m’étonne point. Ton honneur s’est conservé sans tache dans ce sépulcre. Plût au ciel que nul n’ait failli plus que toi !

— Sire, merci. Depuis le jour où j’ai vu votre couronne, je n’en ai pas salué d’autres.

— Ô fidélité antique ! répliquait Arthus ; cœur d’or ! appui de ma maison ! Combien il est doux pour un roi de retrouver un ami que ni l’adversité, ni le temps, ni le tombeau même n’ont pu changer !

— Cent fois, disait Merlin, j’ai craint de ne pas vous revoir. Je priais ici tout bas la mort de ne pas me fer-