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LIVRE XXIV.

avertir de loin les passants quand tombaient les grands murs. Il laissa debout une rocaille assez semblable à la Tourmagne de Nîmes ; bientôt, cela lui parut trop encore ; il ne laissa qu’une pierre où il venait s’appuyer à la tombée du jour ; ayant d’ailleurs fait planter alentour quelques arbres touffus, noyers, sycomores, platanes, marronniers, tulipiers, arbres de Judée aux grappes de fleurs rouges de feu. Car il avait rapporté du tombeau l’amour des beaux ombrages ; seule chose à quoi vous eussiez reconnu qu’il avait été enseveli.

Dans ce lieu préféré, il aimait à fouler du pied sa pierre tombale, et à se souvenir de ce qu’il avait dit et fait dans le sépulcre. C’est là qu’il donnait rendez-vous à ses amis et qu’il jouissait le plus en paix de ses travaux. Car il n’avait pas besoin de parler. À ceux qui venaient chercher quelque espérance, le lieu, la pierre brute parlaient assez pour lui.

Rien ne lui plaisait plus que la surprise naïve des bonnes gens et des peuples nouveaux qui passaient près de là. Il n’y en avait pas un seul qui ne demandât :

« Où donc est le tombeau de Merlin ? L’entrée était ici, et il s’étendait au loin dans le pays alentour, et nous n’en voyons plus de trace. Merlin a-t-il emporté son sépulcre comme une tente, ou comme la maison roulante d’un berger ? »

Alors ils avaient peur et commençaient à fuir. Bientôt, ils tournaient la tête, et se ravisaient ; puis, découvrant dans la lumière étincelante du soir, Merlin assis et souriant sur un débris de pierre tombale,