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LIVRE XXIV.

pressoir ; et le démon rubicond des vendanges, surpris, lié, gémissant, torturé, écrasé sous la pierre, versait dans la cuve, des torrents de sang vermeil.

Cependant, au bout d’un sillon, gisait à terre, dans l’herbe neuve, le père de Merlin ; il soulevait sa tête blanchie à travers l’ivraie ; et voyant, dans la vaste plaine, hier encore maudite, l’arbre bourgeonner, la vigne fleurir, la moisson jaunir et la terre amoureuse, sous les guirlandes de pampres verts, il répétait : « Jacques ! voilà mon châtiment ; c’est moi qui me l’inflige. »

XIV

Jacques se maria, non pour agrandir son bien, mais parce que la fille de Jonathan lui plut. Pendant la cérémonie du mariage, le pinson caché, dans la feuillée, chanta si haut qu’un peu plus, il eût couvert le oui des épousés. Le ciel l’entendit, et Jacques eut plusieurs fils ; tous beaux de visage, tous grands de cœur, de courage et d’audace. Lui-même, il leur apprit à lire dans le livre de Merlin.

À la fin de sa journée il aimait à s’asseoir au bord de la mer de Bretagne, sur le cap le plus avancé où le soleil se couche ; et là il conversait, par delà l’Atlantique, avec son ami Jonathan le Yankee, assis en face de lui, dans les savanes, sur le bord opposé du grand Océan. En un