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MERLIN L’ENCHANTEUR.

clin d’œil leurs paroles traversaient la mer profonde. Étaient-elles portées par les albatros, ou par les dauphins, ou par les vents ? Sans hausser la voix, ils s’entendaient d’un monde à l’autre.

Ils s’entretenaient des travaux du jour, moisson ou fenaison, quelque peu de négoce. Ils s’enquéraient de leurs familles et des fils de leurs fils. Quels peuples nouveau-nés, encore vagissants entendait-on dans le berceau ? Quel grand souffle d’en haut passait sur leurs têtes ? Quels songes avaient-ils eus, la nuit dernière, heureux ou malheureux ? Fallait-il s’assister ? Un mot suffisait. La mort se levait-elle entre eux, ils s’aidaient d’un soupir.

Par là se réalisa la prophétie du livre de Merlin : « L’homme conversera avec l’homme des deux rives opposées de l’immense Océan. »

Les jours coulant ainsi semblables l’un à l’autre, le temps vint enfin du triomphe de Merlin. Quand tout fut préparé, Jacques alla quérir les chevaux aux pieds de bronze qui paissaient dans les étangs. Trois jours, il leur fit litière d’herbes magiques et de verveine ; puis, eux bien repus d’orge fraîche et dorée, il les attela au char de Merlin.