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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Ceux qui vivent pétrifiés dans le cœur des rochers ;

Ceux qui habitent le front des étoiles et qui, jusque-là, avaient méprisé la terre ;

Ceux qui font leur séjour dans la voie lactée et dédaignent d’en descendre ;

Ceux qui n’eurent jamais de nom dans aucune langue et qui n’avaient jamais été évoqués ;

Ceux qui sont cachés au fond de l’âme du juste ;

Ceux qui vivent retirés et inexorables dans les cieux d’airain, ou qui végètent endormis au fond des siècles d’argent et de bronze ;

Ceux qui se cachent dans les poitrines endurcies fermées à la pitié.

Tous ceux-là sortirent pêle-mêle de leurs retraites pour la première fois, et ils s’écriaient aussi : « Triomphe ! ô triomphe ! »

Et les cieux d’airain et de plomb commencèrent à s’émouvoir ; ceux qui n’avaient jamais pleuré versaient des larmes de joie qui ne pouvaient tarir.

Même les séraphins et les chérubins, perdus aux derniers confins de l’Empyrée, se sentirent ravis ; les joues gonflées, ils criaient aux quatre vents : « Alléluia ! Gloire à Dieu ! »

Et ceux qui étaient taillés en pierre, aux porches des cathédrales, ouvrirent soudainement leurs bouches de granit et de porphyre.

Et toutes ces voix païennes, chrétiennes, humaines, titaniques, d’anges, de fées ou de démons, répétaient : « Triomphe ! ô triomphe ! l’enfer est vaincu ! »