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LIVRE XIV.

régions du globe, les rois, nos parents ou alliés, se sont donné rendez-vous à nos jeux. Qui se serait attendu à rencontrer ici pêle-mêle, Féravis, roi de Gor, Garamon de Cappadoce, et que dis-je, Alifantina, roi des Espagnes ? Ce dernier se joint à nous, sans doute, par le privilége de la misère et de la nudité de son peuple. Et pourtant, à moins que l’âge n’ait affaibli mes yeux, je les ai reconnus tous trois, là-bas, à telles enseignes que les chameaux des deux premiers ont commencé à brouter l’herbe fleurie dans la cella du temple. Me trompé-je ?

— Nullement, sire, répondit le premier des courtisans ; j’ai reconnu aussi les âniers du roi d’Espagne.

— Quel est celui-ci ? demanda Merlin ; je jurerais de l’avoir rencontré, sans pouvoir dire en quel endroit.

— Lequel ?

— Celui qui a le teint si jaune, l’œil évasif ! Comme il se hâte lourdement ! Tout bouffi, il semble encore s’enfler à vue d’œil…

— Passez sans le regarder davantage, répondit Épistrophius. C’est un bel esprit des ruines, un faux enchanteur qui a juré une haine terrible à tous les véritables. Il a essayé longtemps de rester homme de bien et de faire son chemin par son seul mérite. Mais, n’ayant pu réussir à rien par cette voie-là, il se hâte de prendre sa revanche avec tous les vices.

— Comme il a l’air chagrin !

— C’est vrai. Il lui reste, en fait de conscience, un peu de mélancolie. »